Au cours des dernières années, de nombreux pays ont remis en question l’utilisation de l’heure avancée et, dans plusieurs cas, ont envisagé ou mis en œuvre son abolition ou son remplacement par d’autres méthodes. Au Canada, plusieurs provinces proposent de renoncer à l’heure avancée afin de revenir à l’heure normale qui sera constante (basée sur le temps solaire) tout au long de l’année ou afin de mettre en place l’heure avancée de façon permanente. Plusieurs associations nationales et internationales de chercheurs sur le sommeil et les rythmes biologiques ont publié des déclarations sur la question. Jusqu’à présent, elles ont toutes reconnu que l’heure avancée impose des décalages circadiens, avec une perte de sommeil néfaste d’une heure lors du passage à l’heure avancée au printemps qui peut se poursuivre jusqu’au retour à l’heure normale à l’automne et même au-delà. Il y a aussi peu de preuves en accord avec une augmentation du sommeil suite à cette transition. Une revue systématique de la littérature a été effectuée au nom de la SCS par rapport aux preuves scientifiques derrière l’utilisation de l’heure avancée. Une attention spéciale a été accordée à la situation géographique nordique du Canada et à ses conséquences particulières sur la relation entre les fuseaux horaires et l’exposition à la lumière naturelle, et qui entraîne une réduction significative de la durée du jour en hiver et sa prolongation plus marquée en été.
Les résultats de la revue concordent avec ceux d’autres associations nationales et internationales en ce qui concerne les avantages de l’heure normale par rapport à l’heure avancée. Plus précisément, l’heure normale permet de maintenir un sommeil optimal ainsi qu’un alignement idéal de l’horloge circadienne humaine avec les activités diurnes. En effet, non seulement l’avancement de l’heure entraîne une privation de sommeil dès sa mise en place au printemps, mais elle impose aussi une obscurité plus tardive pendant l’été. Cette obscurité tardive favorise le retardement de l’heure du coucher, un décalage horaire social et donc une plus grande perte de sommeil. En automne et en hiver, la position nordique du Canada entraîne une perte importante d’exposition à la lumière pendant les activités diurnes, pouvant aller jusqu’à moins de 8,5 heures de luminosité par jour. Cela représente moins d’heures de lumière naturelle que dans la plupart des États américains, en particulier les États du sud, qui partagent les mêmes fuseaux horaires que le Canada. Avec l’heure normale actuelle, le soleil se lève dans la plupart des grandes villes canadiennes vers 7h45 et se couche vers 16h15. Si l’heure avancée est mise en place, le soleil se lèvera à 8h45 et se couchera à 17h15. Cela représente une heure de plus le matin par rapport à l’heure normale. Ainsi, la plupart des grandes villes canadiennes, et en particulier celles situées au-dessus de la latitude 50 avec des périodes d’ensoleillement plus courtes, connaîtraient des levers de soleil bien après 8h et parfois même après 9h (Winnipeg, Calgary, Edmonton). Les enfants, les étudiants et les travailleurs canadiens devraient se réveiller dans l’obscurité et se rendre à l’école ou au travail sans être correctement exposés à la lumière du jour. Cela remet en cause le rôle clé de la lumière du matin pour l’alignement circadien et les déficits de sommeil.
La Société canadienne du sommeil recommande donc 1) l’abandon de l’heure avancée en faveur du rétablissement de l’heure normale de façon permanente ; 2) que le gouvernement canadien tienne des audiences sur les avantages et les inconvénients de l’heure avancée afin d’aider aux négociations avec les législatures américaines qui ont actuellement les mêmes débats.
S’il est décidé de conserver la pratique actuelle de l’heure avancée dans les provinces canadiennes, deux améliorations devraient être envisagées : 1) les changements d’heure devraient avoir lieu au début du mois d’avril et du mois d’octobre. Les changements d’heure se produiraient alors plus près des équinoxes et devraient être moins perturbateurs puisque la lumière du jour et l’obscurité seraient d’une durée plus égale ; 2) les changements d’heure devraient être mis en œuvre le vendredi soir au lieu du samedi soir, ce qui donnerait plus de temps à la plupart des citoyens pour adapter leur sommeil avant le retour aux activités scolaires/professionnelles du lundi.